lundi 7 novembre 2011

Le couloir des pianistes - suite

Il y a quelques mois, je vous livrais un aperçu de mon quotidien à la fac dans une belle video (si tu fais un clic droit  tu tombes direct dessus, la vérité, essaye!) à ne PAS regarder en plein écran sous peine de vous prendre ma paire de lunettes en pleine tronche à la fin.
Aujourd'hui, je vous propose de pénétrer dans l'une des cellules du fameux couloir pour une enquête édifiante sur la trace des pianistes les plus rapides de la Terre!

La clé ELECTRONIQUE du cagibi 101d
Dans chacune de ces cellules, accessibles de 7 à 22h30, sont déroulés tous les jours 800km de gammes (il s'agit d'une valeur moyenne qui inclut aussi bien les gammes à l'unisson que celles en accords de septième diminuée martelés), on y interprète (toujours en moyenne) 25 fois l'étude en do majeur op.10 de Chopin, 6 fois sa Barcarolle, 49 fois la Campanella de Liszt, 11 fois le 2ème concerto de Rachmaninoff, 5 fois celui de Schumann et une quantité incalculable de fantaisies über-virtuoses composées par d'obscurs types de l'ex-URSS sur des airs d'opéra ou des mélodies célèbres.

Ce sont principalement les étudiants de KA qui investissent ces cagibis déjà nauséabonds après à peine 6 mois d'existence. Et KA, c'est quoi, tu te demandes? KA, ça veut dire Künstlerische Ausbildung, Formation Artistique. Le contraire de KA, c'est PA - Pädagogische Ausbildung. Pour faire court, les pianistes en KA sont à 85% des Asiatiques (en majorité coréens, chinois et japonais) qui, en dépit de leurs gabarits réduits savent jouer incroyablement vite, incroyablement fort et parfois incroyablement bien, dans les 15% restants on trouve pas mal de produits de l'ex-URSS (encore elle) et quelques Européens, parmi eux une poignée d'anciens du CNSM de Paris (anciens=qui ont leur puberté derrière eux). Les KA ont des profs connus, ils gagnent des concours et ils donnent des concerts payants.

Les PA aussi jouent en public, dans des PA-Konzerte organisés par le département PA, et dans le public des PA-Konzerte, il y a les étudiants de PA, les proches des étudiants de PA, quelques retraités du quartier qui ont lu KA au lieu de PA sur le flyer, et parfois un ou deux étudiants de KA qui viennent pour rigoler. Certains PA sortent aussi du cadre de la PA pour aller jouer bénévolement sur des pianos électriques dans des écoles maternelles ou des maisons de retraite. Les PA pensent qu'il y a une vie en dehors du piano, ils s'intéressent à d'autres choses, ils enseignent, ils lisent des livres et parfois même ils vont boire des coups, ils ont somme toute une relation beaucoup plus saine au travail, ce qui a pour conséquence qu'ils jouent beaucoup moins vite (voir graphique ci-contre) et beaucoup moins fort que les KA et n'ont que très peu de chances de faire une carrière si ce n'est sur un malentendu (un gérant de salle de spectacle qui aura lu KA au lieu de PA sur un CV).
Sinon, il y a aussi des pianistes dans un département appelé Schulmusik et qui forme les futurs profs de musique en collège et lycée, mais eux ils sont tellement mauvais qu'on les a mis à part dans les locaux d'un ancien hôpital, leur cas ne nous intéresse pas.


Prête à tout pour essayer de percer le mystère de la rapidité des KA, j'ai donc examiné le contenu de la poubelle du cagibi 101d, et voici ce que j'ai découvert : 

des sources de glucides (KitKat, banane), des fibres (galettes de maïs soufflé), des pastilles contre la toux (forcément, les KA jouent toujours la fenêtre ouverte pour faire des concours de vite et de fort avec leurs voisins), du café à gogo, un emballage de comprimés japonais (j'espérais tomber sur un laboratoire clandestin d'amphétamines, mais après recherche ce n'est qu'un complément alimentaire pour fortifier les cheveux) et un monceau de feuilles d'essuie-tout imbibées de Baume du Tigre (qui ne figurent pas sur la photo, je les ai laissées dans la poubelle, ma témérité a des limites). 
Les KA seraient donc tout simplement de gros bosseurs surentraînés qui pianotent jusqu'à devoir se faire des emplâtres au sopalin. Rien de surhumain, pas de produits dopants, pas de pacte avec le Malin.
Déçue.

10 commentaires:

  1. Cela semble se vérifier partout à travers le monde où l'on retrouve le blé en herbes ( pousses de riz ?) de ces jeunes talents dotés apparemment d'une grande capacité de travail, d'une dextérité certaine mais assez peu enclin à la nonchalance et au romantisme occidental et moins encore latin.

    Ravel serait magique et Debussy un mystère, est ce vraiment étonnant...?

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  2. Un peu jalouse des KA non ?

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  3. Anonyme 1 : Takemitsu est au moins aussi "magique" que Ravel, faut pas raconter n'importe quoi, non plus.
    Anonyme 2 : NOOOOOON

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  4. La nonchalance et le romantisme latin (ce qui est déjà douteux) ne sont certainement pas les attributs de MM. Ravel et Debussy :D

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  5. Matthieu, quand tu fais ce ":D", j'ai envie de te tuer avec des trucs très douloureux, quoi que tu dises, et aussi pertinent que ce soit! :D

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  6. Comme quoi qu'on soit à Paris ou à Berlin ne change pas grand chose... Sauf qu'ici, en plus des petits asiatiques, nous avons les petits français, 16 ans en moyenne, "moi je peux travailler six heures sans faire de pause, pas toi?" Au moins les asiatiques, on ne comprend pas les anneries qu'ils racontent!

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  7. Moi je peux faire des pauses de six heures sans travailler !
    SEUUUUUU !

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