jeudi 29 novembre 2012

Ça va vraiment mieux en le disant.


Il n'y a rien qui m'exaspère plus que de rencontrer par hasard un Français à une soirée, à la fac ou au café (rappel pour les nouveaux venus : je suis maîtresse ès mousse de lait et recordwoman du remplacement de fûts de blanche dans un café du Prenzlauer Berg, aussi appelé Schwabylon par les Belinois qui chient sur tout ce qui vient de l'Ouest et qui a du pouvoir d'achat).
Qu'il soit à Berlin depuis deux ans ou juste pour un week-end, il ne peut pas s'empêcher de me faire part de ses observations sur les Allemands, il est fier comme un pou d'avoir remarqué que les Allemands ne traversent jamais quand le feu piéton est rouge, que les Allemands ne savent pas draguer, que les Allemands sont des rapaces devant un buffet à volonté, que les Allemands ne rient pas aux blagues sur l'Holocauste, que les Allemands ne tiennent pas la porte aux femmes et payent toujours séparément au restau, et j'en passe. Super mon gars, tu veux un pin's? Tu as un boulot haut placé, ou tu viens écrire ta thèse à la Humboldt-Universität, tu es spécialiste de plein de trucs, tu peux parler des heures de la politique intérieure de pays dont je sais à peine sur quel continent ils se trouvent, tu sais argumenter comme un forcené pour persuader ton interlocuteur que tel groupe est plutôt post-new wave que proto-cold wave, alors qu'est-ce que te prend, d'un coup, de te vautrer dans la sociologie de comptoir la plus crasse?
Mais il y a pire encore! Ce qui est pire que le Français de Berlin et ses amalgames à la con, c'est le Français qui habite ici depuis assez longtemps pour prendre les autres Français de haut! Le Français qui se targue d'être arrivé à Berlin "quand Kreuzberg ça craignait encore vraiment", qui te dit avec un clin d'oeil que Moabit est le nouveau Neukölln, que le Berghain c'était sympa avant qu'il y ait tous ces touristes (et toi, ducon, tu es aryen peut-être?), qui te fait l'éloge de son poële à charbon, achète ses légumes en dehors de la zone C à un paysan bio, qui écoute Flux FM, boit du Club Mate à tous les repas, qui fait des fautes de déclinaison dégueulasses et ne sait toujours pas prononcer le ch mais dit "icke" et "jut"! Tu me les brises presque autant que ces cons de Berlinois et leurs tatouages ironiques, tous engoncés dans la même veste Jack Wolfskin dès qu'il tombe quelques gouttes de pluie! Et toi, triste dinde qui trimbales partout ta thermos de thé au gingembre frais et fais parader ton rejeton comme une sainte icône dans sa poussette à huit roues, encombrant les trottoirs, les halls d'immeubles, les trains et les terrasses où tu te vautres le dimanche pour bruncher, affichant au monde ta décontraction en Ray-Ban mais prête à faire un esclandre si le serveur débordé refuse de faire chauffer au bain-marie le petit pot de ton gamin! Et toi, toi surtout, immonde petite Ossi fripée avec qui je me suis retrouvée nez-à-nez hier en sortant du métro U9, et qui t'es arrêtée en plein milieu du quai bondé, m'as fermement barré le passage et m'as toisée en me disant : "Je marche à droite, moi!", toi, insupportable justicière de l'espace public, j'espère que ton incurable nostalgie de la RDA et tes excès de charcuterie finiront par te faire claquer une artère!

13 commentaires:

  1. Je comprends pas très bien, tu habites Berlin depuis un moment et ne découvre les hipsters que maintenant?

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    1. Vincent, mon chou, on s'est mal compris. Mon message, c'est que je hais les hipsters, les Français, les mères, les vieux, les Berlinois, les universitaires et la charcuterie. C'est un pamphlet, tavu.

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  2. Oh lalala drôle d'ambiance là

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  3. C'est bien vrai tout ça (surtout pour ce qui est de la description des Schwabylonais). Cela dit, c'est au début que les Français Berlin m'irritaient tous sans distinction - je suis devenue indulgente au fur et à mesure de mon discernement (car oui, il y a différentes catégories tout de même, je trouve). Et puis, Flux FM, c'est un peu mon carburant...

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  4. crache ton venin, mais bien :-) Je viendrai un jour dans ton bar.

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  5. Comme on est entre nous, je vais vous dire un secret : moi non plus je ne suis rien d'autre qu'une dinde expatriée à qui les larmes sont montées aux yeux la première fois qu'elle est descendue au sous-sol des Galeries Lafayette et qu'elle y a vu des barquettes 3 chatons.

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  6. Merde alors, je dis "icke" et "jut"...
    Me frappe pas, je t'en supplie !

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    1. C'est bon, je ne te ferai aucun mal, je me suis calmée.

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  7. En ce moment Berlin déchaine les passions on dirait. Quand j'y étais c'était si calme, maintenant j'ai limite peur d'y retourner avec mon allemand tout pourri et ma gueule de française!
    Alors pour les Dr Martens, je crois que ça dépend vraiment des gens, moi je m'y suis faite en moins d'une semaine, mais elles sont basses alors évidemment le problème se place sur le derrière du pied. Disons que dans un délai de deux semaines, si tu les portes régulièrement, elles seront faites à ton pied je pense!
    En tout cas bon voyage à toi!! :)

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    1. Bon, je retournerai les essayer et tâcherai d'être un peu plus indulgente avec elles. Et si dans trois semaines elles sont soldées, je ne répondrai plus de rien.
      Pour Berlin, n'aie pas peur, c'est toujours aussi calme. N'écoute pas mes cris d'orfraie, j'étais juste un peu à vif, ce n'est pas un état permanent, dieu merci.

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  8. Humm...C'est un peu normal comme sentiment au final non ? Je pense pas que tu puisses vraiment en vouloir à ces français ou aux allemands de parfois utiliser des clichés ou dire "c'était mieux avant...". Quelque part, on cherche un terrain d'entente, même si c'est des lieux communs , on veut juste quelque fois se retrouver à parler à des trucs cons (oui les allemands respectent les règles, oui tout le monde le sait, non je ne vis pas à Berlin mais je suis vaguement au courant...). Si je venais dans ton rade je t'en ferais quand même part parce que c'est des trucs que tu vois tout de suite, toi tu es là depuis longtemps, donc je t'en parle attendant peut être une analyse un plus poussée que mes simples observations...histoire de partager toujours.
    C'est pareil partout, au Japon c'était pareil. Mon colloc (qui n'était pas le dernier des mohicans) m'a dit un jour "c'est toujours dans un pays étrangers que tu rencontre les pires compatriotes" oui et non, oui car quelque part on tombe souvent sur du lourd et non, car au final, être dans un pays étranger c'est son expérience, si un français surgit on à l'impression de ne plus avoir ce pays exclusivement se pays pour soit...
    Ton billet est bien écrit (comme d'hab) mais bon " Y a trop de Hipsters à Berlin, mince c'est devenu invivable, tous ces gens qui prennent des instagrammes de leur sushi du midi !!!!!". Finalement ça fait plus de bonnes histoires et un chouette blog qu'autre chose...
    BISOUS

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  9. Quelle poésie ! Rien de pire que les Français à l'étranger malheureusement. Quand j'étais à Madrid j'avais honte d'être associée aux jeune Français (Erasmus en général) qui se comportaient en terrain conquis dans les rues et les bars, tu peux être sûre que dès que ça gueulait dans une rue déserte la nuit ou que, torchés, ça vomissait dans le métro, c'était des Français.

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  10. ah c'est tellement vrai! Je déteste les vêtements Jack Wolfskin je sais c'est pas très sympa mais j'y peux rien, je déteste également ces femmes qui se sentent obligées de te s'emputer de toute forme de féminité... Et puis ce que tu décris sur les femmes et leurs mômes, les justiciers de l'espace public... Argh! :-D

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