mardi 12 mars 2013

Rencard - le dénouement

Tu te souviens? J'avais un rencard il y a deux semaines. J'aurais dû te raconter tout ça plus tôt, je sais, mais j'avais quelques réticences parce que dans le tableau de bord de mes statistiques, il y avait des clics suspects en provenance d'un site dont je sais que j'avais parlé récemment à ce garçon, ce qui veut donc dire qu'il était peut-être déjà ici, qu'il est susceptible d'y revenir, et tu me connais, tu sais bien que je n'aime pas les esclandres... Enfin bref, un tiens vaut mieux que deux tutorats, en voiture Simone, voici l'histoire véritable de mon dernier rencard.

Je n'en savais pas beaucoup plus sur ce garçon (pour préserver son anonymat on va l'appeler Qhiliqq, d'accord?) que ce que je t'ai dit l'autre jour, pour la simple raison que mes souvenirs de cette soirée étaient un peu diffus. C'étais fin janvier, près de Rathaus Neukölln, dans la cave du Sameheads (je t'arrête tout de suite, c'est une cave dansante, pas un plan chelou dans un garage souterrain). J'avais dîné chez mon amie June et nous avions décidé d'aller bouger un peu pour évacuer le surplus de gin tonic concombre absorbé avant, pendant et après le repas. Nous nous retrouvons donc dans ce bar, je commande une bière et, une idée brillante n'arrivant jamais seule, m'empare du paquet de tabac de mon voisin de comptoir pour me rouler une clope. Je n'y suis évidemment pas parvenu, ce qui ne m'a pas empêchée de la fumer dignement (enfin, à ce moment-là je me sentais très digne. J'imagine qu'il faudrait demander ce qu'ils en pensent à ceux qui m'ont vue enflammer cette vilaine petite saucisse de tabac et de papier déchiré, et tirer dessus en faisant mine d'ignorer que le filtre m'était resté entre les lèvres). Forcément, le propriétaire du paquet a engagé la conversation, mais la seule chose dont je me souviens est que je hurlais dans ma tête GARDE LES YEUX OUVERTS. MAINTIENS TON CENTRE DE GRAVITÉ AU DESSUS DE TES PIEDS. SERRE LES DENTS SINON TU VAS VOMIR. IL NE FAUT PAS VOMIR. GARDE LES YEUX OUVERTS, etc. Après je ne sais plus trop, j'ai bu plein d'eau glacée, je suis restée assise une demi-heure dans un canapé avec la certitude que j'avais été droguée à mon insu et que j'allais mourir ici puis me faire violer par des Turcs nécrophiles, et finalement la brume s'est dissipée d'un coup, je me suis levée et pour fêter mon retour parmi les vivants, je me suis jetée sur la piste de danse avec June. Entre deux chorégraphies, j'ai senti que quelqu'un me touchait l'oreille, je me suis retournée, prête à me battre (rappel pour ceux qui prennent l'émission en cours : j'avais bu), mais c'était juste Qhiliqq qui me glissait une touillette phosphorescente dans les cheveux avant de disparaître dans une autre pièce. D'accord, pourquoi pas. En émergeant de la cave, nous apercevons Qhiliqq à une table, il nous tient le crachoir une petite heure, il est plutôt sympa, je ne sais plus de quoi on a parlé mais le lendemain il y a un aigle et toutes sortes de gribouillages au dos d'une de mes partitions.
Je retrouve son numéro dans un bouquin. Toute cette histoire m'amuse, mais je ne sais plus à quoi ressemble Qhiliqq. Je ne sais pas quoi faire. Je ne suis pas encore habituée au célibat. Alors sans trop réfléchir, j'envoie un message à Qhiliqq. Evidemment, là c'est le moment où tu te mets à hurler que jamais je n'aurais dû faire ça, que c'est une erreur de débutant, qu'il ne faut jamais recontacter quelqu'un dont tu n'arrives même pas à te souvenir s'il était blond un brun. Ben il fallait hurler plus tôt. En tout cas, maintenant, je sais.

Qhiliqq
Je lui ai donné rendez-vous au Kuschlowski, un petit bar de la Weserstraße. J'entre, il fait chaud, sombre, la fumée est épaisse, j'aperçois un garçon seul à une table. En anorak. Il lève les yeux et me sourit. Gyrophares dans ma tête. Tout me revient. Les yeux vitreux et mi-clos. La mâchoire pas étanche. Les cheveux à l'abandon. La sempiternelle barbe mal rasée. Le pull douteux. Je ne peux plus reculer. Je m'arme d'une bière et vais m'asseoir. Il me salue d'une accolade très insistante, comme s'il sentait que je suis prête à profiter de la moindre baisse de son attention pour m'enfuir par la bouche d'aération des chiottes. Il me pose une question, je réponds par une anecdote factice, silence. Je lui pose une question, il me raconte ses problèmes de santé, silence. Et ainsi de suite. Qhiliqq n'a rien à dire. Il n'a aucune opinion, rien ne le passionne, il étudie un truc chiant qui contient "pädagogik" et auquel je n'ai rien compris, il a le charisme d'un moule à manqué. Après une heure où j'apprends tout de la trachéite, de l'orgelet infecté et des dents de sagesse de Qhiliqq, mon portable sonne, c'est June, ma sortie de secours, ma bouée de sauvetage, ma luciole de Neukölln, elle hurle dans le téléphone MARIE, OU QUE TU SOIS, QUOI QUE TU FASSES, INTERROMPS TES ACTIVITÉS, IL FAUT QUE TU VIENNES IMMÉDIATEMENT, JE SUIS EN DANGER DE MORT. Je laisse Qhiliqq finir le résumé de son projet de mémoire sur les assistants sexuels pour handicapés et prends congé de mon air le plus navré. Je n'échapperai pas à une dernière accolade affectueuse.
Un peu plus tard, alors que je raconte ma soirée à une June hilare, je reçois un sms de Qhiliqq : J'ai passé une soirée formidable :-)


Qu'est-ce que je peux répondre à ça?



7 commentaires:

  1. Hinhin. Briseuse de petits coeurs teutons. (Joli gif, quoique du coup je m'attendais à un autre dénouement)

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    1. Je suis d'accord avec toi, ce gif c'était du teasing extrêmement malhonnête.

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  2. T'as répondu quoi alors? Tu pourrais le revoir, ça ferait de nouveau des trucs à raconter.
    (Je viens de me rendre compte que tu t'appelles pas vraiment morille et je suis très déçu)

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    1. Oh t'en fais pas, il y en aura encore d'autres, des histoires de ce genre. Je suis assez douée pour dénicher des plans foireux.

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    2. Ouais ! D'autres plans foireux ! Bitte bitte !

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    1. Je n'aurais pas pu rêver plus beau 400ème commentaire. Merci Louise!

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