lundi 17 juin 2013

Pourquoi il faut aller voir Import/Export en dépit de cet article médiocre


Tu connais Ulrich Seidl?
La semaine dernière, j'ai vu pour la première fois un de ses films. Comment t'expliquer ce que j'ai ressenti? Où trouver les mots, et par où commencer pour décrire ce phénomène, cette chose qui se met à tinter sous ton sternum quand tu te retrouves en face de quelqu'un qui parle la même langue que toi? Mon vocabulaire (je préfère le mot allemand Wortschatz : ma cassette, mon trésor de mots) contient, pêle-mêle : être sur la même longueur d'onde, avoir un coup de foudre, Seelenverwandtschaft (parenté d'âmes). Ça nous fait une belle jambe tout ça, n'est-ce pas? Je peux te décrire la scène d'ouverture. Un plan large. Une barre d'immeubles monotones, de la neige, un vieil homme impassible emmitouflé dans de mauvaises frusques qui essaye de faire démarrer son sidecar, encore et encore, pendant quinze longues secondes. Ou alors, je peux te raconter les personnages. Olga, une jeune Ukrainienne fatiguée aux racines grasses qui vit avec sa mère et son bébé dans l'un de ces immeubles sans eau courante. Elle est infirmière mais l'hôpital qui l'emploie la sous-paye, alors elle s'essaye au sexe par webcam mais elle ne comprend pas quand on lui hurle en anglais "Put your finger in your ass!". Elle s'en va en Autriche. En parallèle, il y a Paul, un Autrichien fauché et violent qui vit avec sa mère mutique et son idiot de beau-père et n'est pas foutu de garder un boulot. L'histoire : comment ces deux personnages qui ne se rencontreront jamais se démerdent avec le peu qui leur est donné. Voilà ce que je peux te dire sur le film, mais comment te faire comprendre cette atmosphère? La misère, la laideur, les intérieurs de prolos, l'inaptitude au dialogue, les pieds qui transpirent, la mauvaise bière en boîte, la honte, la mélasse du dialecte autrichien. Et dans tout ça, les moments de grâce : Paul qui explique à son beau-père dans une langue presque intelligible que tout ce à quoi il aspire, c'est l'harmonie, alors que jusque là ses phrases n'étaient que des spasmes de quatre mots qui lui servaient à commander une bière ou proférer des injures. Olga qui peigne les cheveux d'une vieille démente dans l'hôpital autrichien où elle fait le ménage. La dureté qui bascule sans prévenir dans la douceur. Import/Export m'a émue, mais je suis incapable de te convaincre de regarder ce film, je n'ai pas d'arguments. Je ne saurais pas t'en dire plus sur Ulrich Seidl, je ne sais pas comment on appelle ce genre de cinéma, je ne sais pas si c'est bien proportionné ou si les acteurs sont bien dirigés. Je ne m'y connais pas, tu vois, je ne peux pas vraiment t'expliquer pourquoi c'est beau. C'est dur de parler de ce qui est beau. Un jour j'apprendrai ça, promis, en attendant si tu veux tu peux cliquer ici pour voir la bande-annonce (essaye de faire abstraction du Beethoven merdique qui a été collé sur les images pour y mettre du pathos), ou carrément ici pour voir le film en entier sur Youtube. Si tout ça ne t'intéresse pas, tu peux quand même écouter Ulrich Seidl parler d'Import/Export ici parce que c'est un monsieur intéressant, ou alors regarder la bande-annonce de son dernier film, Paradis : Amour, ici. Et si vraiment je te pompe l'air avec mon enthousiasme à la con, va donc te changer les idées en écoutant cette chanson d'Olaf qui s'appelle Du bist so süss wie Marzipan ("Tu es mignonne comme du massepain") :


6 commentaires:

  1. Je m'inscris en faux ! Et j'argumenterais cette inscription en faux en suivant un développement linéaire en deux points que je n'hésiterai pas à nommer point 1 et point 2.

    Point 1 : cet article est loin d'être médiocre, j'irais même jusqu'à dire qu'il est fort plaisant à lire et qu’il atteint son but, à savoir "die Neugier wecken"

    Point 2 : la phrase "Du bist so süss wie Marzipan" a un double sens. "Süß" signifiant effectivement "mignon" mais également "sucré", "doux" (Süßigkeiten signifiant "friandises")

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    1. Point 1 : merci Gonzague, mais tu ne m'ôteras pas la conviction que cet article est médiocre parce qu'il ne remplit pas la fonction première que je lui aurais bien donnée, à savoir une critique de film. C'est un aveu de faiblesse bien ficelé mais une bien mauvaise critique de film.

      Point 2 : je sais bien, mais traduire "süss" en un mot est impossible ici, donc j'aurais dû écrire "mignonne/sucrée", et j'aime pas trop les barres obliques.

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  2. "Traduire "süss" en un mot est impossible ici."
    Comment traduire "suce" en un mot, rhâââ, une sensation si intense ne s'explicite pas facilement j'en conviens. Je ne parle pas allemand. Ma blague est vulgaire. Je me sens comme un cornichon flottant dans un pot de miel de châtaignier. Pardon.

    (Par contre je découvre ce blog et il est très bien et je vais passer son adresse à une copine franco-allemande journaliste que ça devrait intéresser aussi, merveille)

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    1. (Pardon 2, mais quelle étrange photo de bannière quand même, ce contre-jour, cette non expression faciale, ce voile opaque, elle est à peine digne d'un album Facebook bon Dieu. Je, elle gène ma lecture. Merci)

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    2. Cochon Maadiar, cochon! Bouh, cochon!

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  3. je crois qu'on appelle ça du cinéma "réaliste"

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