mardi 28 juin 2016

Être un moucheron quand il fait lourd

[J'avais supprimé cet article juste après l'avoir publié, mais à vrai dire, je m'étais toujours interdit de faire ça, c'est pas dans l'esprit du blog. Ecrire m'avait soulagée, mais je ne voulais pas être lue, mais maintenant ça va mieux, alors voilà]

Il y a ce verbe en allemand, sich verknallen. Il contient knall, le choc, l'impact, sich verknallen, c'est se prendre un amour violent dans la gueule, s'enflammer pour quelqu'un, mais sans cette idée de combustion graduelle, c'est plutôt une explosion soudaine et inattendue. Je me suis verknallt, un garçon aux yeux bleus et à l'accent viennois, lent et sûr de lui, ou du moins je crois, enfin il avait l'air, quand il m'a demandé si j'avais envie d'aller boire une bière au parc, puis quand il m'a redemandé si j'avais envie d'aller manger italien avec lui, puis quand il m'a demandé si j'avais envie d'aller danser, et puis quand il m'a redemandé si j'avais envie de partager sa bouteille de cidre. J'ai doucement laissé faire l'électricité de ses yeux, j'ai suivi ses pas en me demandant ce qu'il voulait, lui qui cherchait visiblement ma proximité sans toutefois rien entreprendre. Et puis il y a eu cette alcôve d'une boîte de nuit, où soudain comme ça m'arrive parfois je me suis sentie extérieure à tout ce qui se passait autour de moi, où les deux beats discordants des salles voisines me désolidarisaient les hémisphères, où une mélancolie nauséeuse s'est emparée de moi. Je le lui ai dit, j'étais allongée sur le ventre, il l'a compris et a caressé mon front en nage jusqu'à ce que je me calme, rapprochant sa chaleur de la mienne, égalisant nos températures, il m'a prise dans ses bras et m'y a tenue et a mis son nez dans mes cheveux, et alors que je respirais son torse, il a tressailli et m'a dit : je, je ne sais pas, il faut que je te dise, j'ai une copine. Bien sûr qu'il aurait été approprié de m'insurger, de me redresser, d'être fière et de dire quelque chose comme : ah bon alors dans ce cas, ou bien : et tu ne pouvais pas me le dire plus tôt, ou bien : ça veut dire quoi, alors, ton nez dans mes cheveux et ta main dans le creux de ma colonne vertébrale, ou bien même, qui sait, peut-être que d'autres font ça, cracher des insultes, enfin montrer que non, ça ne va pas, on ne se comporte pas comme ça, que ce n'est pas juste, que ce n'est pas honnête. Mais je ne suis parvenu qu'à me sentir triste, comme une chiffe, à me dire que tant pis, c'était bien, ces moments, et puis qu'on ne peut pas toujours être conséquent, qu'il ne pensait sûrement pas à faire du mal, que c'est facile pour personne. On est rentrés côte à côte et l'espèce de baiser de vieux pote qu'il a claqué sur mes lèvres pour me dire bonne nuit a achevé d'enfoncer ce clou qui ne me lâche plus depuis, c'est une brûlure permanente, une saleté qui gêne ma respiration et ankylose mes côtes, j'essaye au choix de l'éteindre ou de la cracher mais rien ne sort, je ne suis pas en mesure de pleurer, quand j'essaye c'est comme un orage sec, quand il fait trop lourd et que le ciel ne crachote que quelques éclairs, péniblement, mais que l'averse ne tombe pas et que l'air continue de peser et les hirondelles de voler bas, enfin si elles volent bas ce n'est évidemment pas parce que l'air pèse trop sur elles mais parce que ce sont les moucherons qui sont accablés par la pression et qu'elles vont les chercher là où ils volètent, au ras du macadam. Ça ne pète pas et je suis un de ces insectes lamentables magnétisés par le goudron qui ne sont pas foutus de donner le petit coup d'ailes un peu plus fort que les autres qui les fera se hisser à nouveau un peu plus haut, là où l'air circule. Je me sens comme un "la garce" tout juste chanté du bout des lèvres par Barbara, quand elle parle de la solitude avec les yeux fixes, c'est un truc pénible et collant et je ne trouve ni la colère ni le désespoir de m'en extirper, parce qu'au fond cette brûlure persistante elle rend sensibles tous les contours, elle rend présents le ventre et la gorge et les pieds, qu'est-ce qu'ils sont lourds, les pieds, elle empêche de s'oublier dans le travail, parce qu'en fait ce n'est pas si important que ça le travail, c'est moins important que de caresser dans le sens du poil un mal de ventre né d'un pauvre petit claquement de pétard mouillé qu'on avait pris pour de l'amour. J'aimerais avoir cette rage que je mets dans nos chansons mais je ne suis qu'un truc ni solide ni liquide qui attend fébrilement un SMS.  

2 commentaires:

  1. M´attends c´est du grand n´importe quoi en quelque sorte, c´est partiellement horribilissime!

    Tu t´imagines tous ces fans qui se lamentent et qui trainent dans les parcs à se lamenter (oh, combien de lamentations, c´est du pur mur des lamentations ce soir, c´est lamentonsnousindependenceday) en train de revoir leurs relations diplomatiques avec l´Autriche, pays d´Apfelstruddel et... d´abroutis (?)

    Tout ca, à la Kommandanture véritable de l´Armée de l´Air de ton club de fans à Berlin, ca nous fait fort penser à l´enfandolescence dans les années 90´, à Skee-Lo et son "I wish I was a little bit blonder, a little bit more blueeyed, I wish I had a pair of skys in my bounderie to go skying in the Tirol und ein bischen mehr Österreicher Aczent du weiß schon wie das geht mit der Suße Kartoffeln Salziger prononciation du RRRrrr und soweiter und sofort!"

    La Kommandanture véritable de l´Armée de l´Air de ton club de fans de Berlin te souhaite beaucoup de bonheur et de plaisir dans les jours à venir et le reste de l´année aussi!

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    1. Chère Kommandantur,
      Mes remerciements très chaleureux pour votre sollicitude, merci de ne pas briser les relations diplomatiques avec l'Autriche, qui reste malgré tout un pays formidable. Ulrich Seidl, Stermann & Grissemann, Yung Hurn et Georg Kreisler pèsent plus lourd dans la balance qu'un garçon qui sait pas ce qu'il veut.
      Bien du bonheur à toi aussi, Kommandantur, et surtout bien du plaisir avec ton Armée de l'Air vroum vroum.
      Ton Führer

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