samedi 24 novembre 2012

La vérité sur les pianistes

Il y a deux semaines, j'ai donné un dernier cours de piano à Daniel, un de mes élèves, avant son départ pour un long voyage en Afrique avec sa copine et leur fille, Luna, qui vient tout juste d'avoir un an. Cette dernière prenait un très grand plaisir à venir ramper aux pieds de son papa pendant qu'il se débattait avec la pédale droite dans une sonate de Beethoven. Mi-amusé, mi-exaspéré, il la hisse sur les genoux et lui explique que papa prend son cours de piano, qu'il faut être sage et ne pas le déranger. De mon côté, je promets à Luna qu'elle aussi pourra apprendre le piano dès qu'elle n'aura plus besoin de ses mains pour marcher. Daniel semble ravi de cette idée et me dit "Je suis sûre qu'elle fera une pianiste formidable, tu as vu comme ses mains sont longues et fines?".
C'est drôle comme cette idée est répandue. Les gens semblent persuadés que des doigts filiformes sont la condition sine qua non pour faire du piano. Et que les pianistes sont de grandes créatures mélancoliques au regard enfiévré, en proie à des passions dont le déchaînement les empêche d'avoir le cheveu bien peigné. Quand ils ne jouent pas du piano, ils lisent de la poésie ou attrapent des maladies vénériennes parce qu'ils sont aventureux mais de faible constitution. Voilà les pianistes de l'imaginaire collectif : 


Bien sûr, les gens qui s'intéressent un peu plus à la musique classique ont aussi intégré les images du bon gros Brahms barbu ou de Richter et sa mâchoire d'homme des bois, mais combien de temps faudra-t-il pour que que s'impose dans les esprits cette image, celle du pianiste du XXIème siècle, compact, élastique, réactif, cette machine de guerre à qui il suffit d'un bol de ramen pour jouer les deux volumes des Etudes de Chopin à la suite?

4 commentaires:

  1. Oui, et ça ne concerne pas que les pianistes, mais aussi les écrivains et les artistes en général, ça dure depuis deux siècles non? depuis le romantisme quoi, cet imaginaire de l'artiste désincarné, voire décharné etc., à la vie forcément déréglée (alcoolisme, drogue j'en passe et des meilleurs). Le rock en a rajouté une couche. La vraie rock-star meurt forcément d'overdose, noyée dans son vomi, dans un petit matin blême. De là à croire qu'il suffit de se noyer dans son vomi pour être une rock-star ou de se défoncer pour être artiste, il n'y a qu'un pas. Pas mal de gens l'ont franchi, malheureusement. Ils n'avaient pas dû lire ce que Burroughs dit de l'addiction et de ses servitudes.

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    1. Le pianiste d'aujourd'hui meurt les poumons perforés par l'abus de baume du tigre qu'il se tartine sur les avant-bras pour éviter l'irrémédiable tendinite. C'est aussi rock'n'roll, d'une certaine manière.

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  2. excellent!!! J#adore le dessin aussi Bravo! :-D

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