samedi 8 juin 2013

La Netrebko, la pluie et le sexisme à Munich

"Von hinten dachte ich, Sie wären die Netrebko!" ("De derrière, j'ai cru que vous étiez la Netrebko")
(il est ici fait allusion à Anna Netrebko, qui est une chanteuse d'opéra)

C'est ainsi que m'a abordée Heribert (prénom modifié par la rédaction) (j'ai toujours rêvé de faire une parenthèse qui disait "prénom modifié par la rédaction") (un rêve se réalise), docteur en musicologie et critique pour la Süddeutsche Zeitung et la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Nous sommes à Munich, au Prinzregententheater, il n'est pas loin de minuit. Mon ami Oussama a décroché une énorme bourse de la fondation Siemens pour son travail de compositeur, la cérémonie s'est achevée dans la liesse par une pièce sautillante de Ligeti, à présent tout le gratin s'est rassemblé au rez-de-chaussée, dans une grande salle au beau parquet où le vin coule à flots, arrosant d'euphorie les échanges de cartes de visites et de compliments hypocrites qui accompagnent l'élaboration de projets sans lendemains. Heribert est trapu et rubicond, il n'en a rien à secouer des lauréats et me concède, hilare, que bien sûr, il n'est là que pour le pinard et les jolies filles (clin d'oeil et sourire humide). Je luis dis que moi aussi, et il s'extasie : "En plus d'être une très jolie pièce de mobilier, vous parlez merveilleusement bien allemand! Mes compliments mademoiselle!" (clin d'oeil bis). Je lui renvoie une remarque cinglante, ma répartie l'excite, je vois dans ses yeux son caleçon qui devient trop étroit, il me présente à ses amis, un petit chauve violacé à la peau écailleuse et un responsable de marketing en chemise de soie rose qui se penche sur mon cou pour me renifler et pousse un grognement de plaisir. Je joue le jeu de cette harde de vieux gorets en m'appliquant à minauder comme il faut, ce qui m'offre le privilège de participer à une discussion d'une demi-heure sur le monde de la musique classique où les moqueries racistes le disputent à un sexisme troupier désarmant de sans-gêne. La fascination finit par céder la place à l’écœurement et je me retourne pour aller retrouver Oussama, trois paires d'yeux torves collées au cul.
A part ça, j'ai aussi pris plaisir à faire des choses plus normales à Munich, j'ai mangé de la papaye pour la première fois de ma vie, j'ai pris un bain en regardant Qatar TV, je me suis promenée au bord d'une Isar déchaînée comme un torrent de montagne, j'ai visité le cabinet de curiosités de Karl Valentin, j'ai été émue aux larmes devant une Vierge de l'Annonciation dans la Alte Pinakothek, j'ai découvert le War Requiem de Britten et, bien sûr, j'ai bu de la bonne bière.

"Baignade interdite"

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